L’hydratation énergétique : comment doser votre boisson ?

Publié le par Christophe

Sur le sujet de « l’hydratation énergétique », il circule beaucoup de fantaisies. Alors nous avons décidé d’en rajouter une. Mais bien que très portés sur les bonnes blagues, nous nous sommes quand même documenté et vous livrons le fruit de nos réflexions, tirées en partie de la fameuse « expérience terrain » mais également de deux ouvrages de référence : « Physiologie du sport et de l’exercice », de Wilmore et Costill, 2e édition, février 2002, et le « Guide nutritionnel des sports d’endurance » de Denis Riché. Avec ça, on est blindés.

Article paru dans Ultrafondus Magazine n°7 - décembre 2003


L’art de doser le glucose

L’alimentation demeure l’une des préoccupations principale du coureur d’ultra. S’il est possible de transiger et d’essayer le « style libre » sur les courtes distances, ce petit jeu peut s’avérer très pénible, voire risqué, dès que l’aiguille des heures commence à s’affoler. Cela dit, nous possédons tous une expérience différente de la nutrition, et notamment de la recharge énergétique par l’hydratation, puisque c’est le sujet. Plutôt que d’essayer de trouver des règles intangibles et qui fonctionneront à tous les coups, voici quelques principes physiologiques qui pourront vous aider à comprendre certains mécanismes. En espérant qu’ils vous aideront à comprendre certains coups de blues et autres moments cauchemardesques vécus lors d’ultras.

L’une des questions qui revient fréquemment à la veille d’un ultra : comment doser sa boisson énergétique ? Si on essaie de préciser un peu, la question combien de grammes de glucose par litre de boisson pour optimiser le passage vers le sang ?

Avant tout, il faut bien avoir en tête ce qui peut sembler un léger paradoxe : un contenu calorique trop important et une concentration trop grande sont les principaux facteurs de ralentissement de la vidange gastrique et de l’absorption intestinale (passage vers le sang) ; par contre, on sait, expériences à l’appui, que des solutions fortement concentrées apportent plus de glucose à l’organisme que les autres. Pour schématiser le problème, la première partie de la phrase précédente vous suggère de ne pas mettre trop de sucre dans votre eau tandis que la seconde dit le contraire. Que faire ?

Selon Wilmore et Costill, qui eux-mêmes citent d’autres études, les boissons concentrées à 25 g/l passent très vite au niveau de l’estomac mais n’ont que très peu d’effet sur les réserves énergétiques du corps. Les études les plus récentes montrent qu’il faut consommer au moins 50 g de sucre par heure pour améliorer la performance, ce qui nous donne un premier chiffre « étalon » sur lequel nous baser.

Pour être très concret et pratique, on a vu dans les deux paragraphes qui précèdent que plus c’est concentré, plus l’organisme reçoit de glucose et qu’il faut au moins 50 g de glucose par heure. Un calcul intéressant pourrait être de se demander quelle quantité d’eau on peut ingérer en une heure et de faire le dosage en conséquence. Exemple : je sais que je peux boire 750 ml en courant et en une heure – ce qui est déjà beaucoup - , donc, je mets (au moins) 66,5 g de glucose par litre pour obtenir mes 50 g. La concentration en glucose est indiquée sur les bouteilles de sirop, sur les packs de poudre énergétique, etc. Notons tout de même que l’on peut prévoir un apport en sucres solide et ainsi en mettre moins dans la boisson. C’est une réflexion utile en condition de forte chaleur, où il faut plutôt « diluer », c’est-à-dire éviter les concentrations trop élevées sous peine de non digestion.


Trop sucré = mal au bide

Reste à régler la question du « au moins » 50 g de glucose par heure. Plus on augmente ce nombre, plus la solution est dite « hypertonique ». Elle s’assimilera moins rapidement et occasionnera des troubles digestifs. A contrario, une solution iso ou hypotonique s’assimilera mieux et plus rapidement. Donc, on voit que même si on assimile plus de glucose avec une solution hyperconcentrée (rappel : parce que ça permet de faire passer plus de glucose), point trop n’en faut.

De plus, ne perdons pas l’autre objectif, qui est de s’hydrater ! On en revient au problème de l’optimisation de la concentration. Sur ce point là, tout le monde semble se défausser ! Wilmore et Costill disent texto qu’une « solution dosée entre 40 et 80 g/l ne doit pas compromettre le passage d’eau à travers les différents tissus » mais on ne sait pas vraiment si ledit dosage est… optimal. Ils écrivent également que « boire 100 à 150 ml de cette solution, toutes les 15 minutes, doit réduire le risque de déshydratation et d’hyperthermie, tout en apportant un supplément d’énergie ». Ils concluent aussi qu’il « est difficile de définir une boisson type pour tous et que le débat risque de durer encore un certain temps ». Au moins, c’est clair, en matière de dosage, rien ne vaut le tâtonnement et vous avez le droit de vous méfier de ceux qui vous disent le contraire.

Denis Riché, dans son guide nutritionnel, ne donne pas de chiffre non plus. Là encore, le bon sens l’emporte puisqu’il estime que « La démarche la plus efficace consiste à boire à intervalles réguliers de 10 à 15 minutes des bolus de 100 ml d’une boisson glucidique hypotonique, à température douce, qu’on prendra soin de déglutir lentement. » Ceux qui ont essayé cette technique ne s’en plaindront pas. Sous-dosez légèrement, buvez régulièrement, et vous mettrez pas mal de chances de votre côté.


Boire comme un trou n’hydrate pas

On se rend donc compte qu’on ne peut pas donner de chiffres précis tant les paramètres sont nombreux qui influencent l’absorption d’une solution énergétique. Par exemple, dès qu’un effort devient éprouvant (à partir de 70-75% de VO2 max), on note une diminution de l’irrigation digestive, ce qui complique le processus d’absorption. La nature des glucides ingérés, la température des solutions (10-12°C recommande Riché pour l’assimilation la plus rapide) et la séquence des prises et des volumes ingérés sont également des facteurs à prendre en compte. Sur ce dernier point, « plus on remplit l’estomac, plus il se vide facilement, et ce jusqu’à 700 ml ». Par contre, ce n’est pas en buvant comme un trou que vous vous hydraterez mieux, loin s’en faut.

Une autre donnée dont on a un peu parlé au-dessus peut se révéler importante à prendre en compte. Il s’agit de la quantité d’eau que l’estomac est capable d’assimiler. Là encore, difficile de donner des chiffres. D’ailleurs, nous n’en avons pas trouvé. On sait juste que c’est « très rapide ». Une personne normale élimine en gros 1,5 litres d’eau par jour et un buveur de bière bavarois (y en a-t-il parmi nous ?) peut aller jusqu’à 10 litres. Si vous buvez une auge d’eau, vous serez au p’tit coin un quart d’heure plus tard. Ce qui est sûr, c’est que l’eau pure n’a pas de pouvoir hydratant supérieur aux solutions hypotoniques, loin de là, tout simplement parce que la présence de glucose et de sodium à des taux appropriés améliore l’entrée de l’eau dans les cellules intestinales puis leur passage dans le sang.

Pour conclure sur ce problème épineux de la concentration optimale, disons qu’elle se situerait entre 40 et 80 g de glucose par litre de solution. Si l’on parle de consommation horaire en sucres, le chiffre qui ressort serait plutôt 50 g.


EN RESUME
• Une concentration entre 40 et 80 g/l de glucose semble la plus judicieuse (à adapter en fonction de la chaleur, de l’intensité de l’effort, de la tolérance personnelle et en prenant compte de l’évolution du goût au cours d’un ultra)
• A partir de 50 g de glucose par heure, la prise de glucose permet de recharger les réserves glucidiques.
• Il vaut mieux boire de petites quantités régulièrement que beaucoup en une fois. Une centaine de millilitres d’une boisson énergétique toutes les dix ou quinze minutes semble être un bon compromis.


DOUZE FACTEURS INFLUENCANT L'ABSORPTION
Il existe de nombreux facteurs influençant l’absorption d’une boisson énergétique dans l’organisme. Nous en avons recensé douze, il y en a sûrement davantage. Pour les interpréter de manière pratique, disons simplement que plus vous êtes en sale état et plus il fait chaud, plus la concentration doit être faible. En somme, remplissez les réservoirs à bloc uniquement si vous vous sentez en mesure de tout digérer.
1. Chaleur extérieure
2. Intensité de l’effort
3. Durée de l’effort
4. Concentration de la solution
5. Température de la solution
6. Teneur en sodium de la solution
7. Intervalle entre les phases d’ingestion
8. Quantité de liquide ingérée
9. Nature des glucides ingérés
10. Capacité d’absorption de l’estomac
11. Etat du bol alimentaire (estomac vide/plein)
12. Etat physique général

Publié dans Divers

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